Dans cet article, Pierre Gohar, participant de la table ronde organisée par EQIOM, nous aide à prendre de la hauteur et nous incite à continuellement chercher le sens de nos actions. Il nous parle de la 4ème révolution, où l’homme et la biodiversité (1) ne peuvent plus être isolés l’un de l’autre et aborde même la 5ème révolution à venir, celle qui s’interroge sur le sens.
Avant d’attaquer le vif du sujet, pourriez-vous nous dire ce qui vous inspire dans vos actions ?
Je cherche à donner du sens à toutes mes actions. J’ai besoin de sentir que les gens avec lesquels je travaille sont aussi dans cette recherche de quête de sens. Pour moi, une action a du sens si elle tente de répondre aux aspirations profondes de l’être humain et de la société. Force est de constater que la société a connu de grandes révolutions ces derniers siècles. Voir les aspirations ainsi évoluer est quelque chose d’inspirant car ce sont de nouveaux défis à relever.
Qu’est ce qui caractérise ces changements d’aspirations ?
Historiquement, après avoir accumulé des connaissances afin de mieux comprendre l’être humain dans son écosystème, les individus ont cherché à développer des inventions techniques et technologiques, à innover afin de pouvoir vivre plus confortablement dans la société. Il s’agissait des premières révolutions, technique et industrielle. La révolution humaniste a ensuite contribué à replacer l’être humain au coeur de la problématique de la société et des acteurs économiques.
Aujourd’hui, la 4e révolution, qui a pour but de replacer la biodiversité au coeur de la vision du monde, est déjà en route. On ne peut plus isoler l’être humain de la biodiversité, il faut désormais prendre en compte l’ensemble des éléments en interaction.
Quelles seraient selon vous nos aspirations futures ? Pouvons-nous les anticiper ?
Dans le futur, la 5e révolution sera très certainement d’ordre spirituel. Quand on aura redécouvert le jeu d’interactions des éléments qui constituent la biodiversité, se posera la question du sens : quel est le sens de la vie ? Il s’agit là d’une question qui a été posée à de nombreuses époques dans l’histoire de notre civilisation.
Cette notion de sens deviendra un élément déterminant de notre vie en société et se posera aussi pour les entreprises qui représentent le ferment économique de notre société. Quel est le sens de mon activité économique, comment je le partage avec mes collaborateurs et comment je les fais adhérer à cette notion de sens ?
Dès lors, il est important de faire évoluer dès aujourd’hui notre système éducatif. L’école n’apprend pas à nos enfants à se connaître eux-mêmes. Notre système reste ancré dans l’accumulation de savoirs et non pas dans la connaissance de l’être. Alors que le fait d’être dans l’instant présent, dans la connaissance de soi et en harmonie avec soi-même, crée une disposition favorable pour l’inspiration, l’intuition et la créativité. Ces notions seront de plus en plus importantes dans la vie de nos entreprises qui devront renouveler leurs offres avec beaucoup plus d’agilité et de compréhension des aspirations profondes de leurs clients ou de leurs futurs clients.
En nous replaçant dans le contexte EQIOM, quels sont d’après vous les leviers d’innovation ?
Si on replace l’activité d’EQIOM dans ce contexte de changement de paradigme (2) et d’aspirations, il est rassurant de voir que l’entreprise a la capacité de faire évoluer son modèle économique classique linéaire vers le modèle circulaire (3) qui est respectueux de la biodiversité, moins gourmand en énergie et peu producteur de déchets. Redonner du sens à la vie en société qui n’est plus uniquement orientée vers un confort de vie, une consommation accrue et l’accumulation de biens mais vers le respect de l’individu et de la biodiversité et qui répond à la quête de sens. Cette évolution devra faire coexister la révolution sociale, économique, écologique, technique et spirituelle.
Si EQIOM, qui est une entreprise assez proche de la matière première, développe une expertise sur l’économie circulaire, elle pourrait la transformer en une offre de services pour d’autres industries. Ces dernières seront de toute façon
confrontées à la même problématique impulsée soit par une réglementation qui va se durcir, soit par le comportement des consommateurs qui seront de plus en plus exigeants sur la notation des entreprises par rapport au respect de
ces valeurs.
EQIOM pourrait proposer une nouvelle offre de services, elle pourrait devenir un terrain expérimental extrêmement intéressant pour les nouvelles pratiques managériales évoquées précédemment, qui intègreront les collaborateurs dans la réflexion collective du sens. Ultimement, si nous arrivons à réaligner ces notions de sens dans une entreprise, cela peut créer une dynamique capable de renverser tous les obstacles !
Sur une note plus personnelle, à quoi aspirez-vous ?
J’aspire à ce que chaque être humain puisse découvrir en lui cette richesse, ce trésor intérieur avec lequel il cohabite et qu’il ignore la plupart du temps. En faisant ce chemin, nous pourrons harmoniser nos pensées, nos sentiments et nos activités, autrement dit nos 3 orientations de conscience.
En effet, nos difficultés de vie sont liées à une disharmonie entre la conscience de la tête (nos pensées, notre intellect), la conscience du coeur (nos émotions, nos aspirations) et la conscience des mains (notre activité au quotidien). En prenant appui sur cette richesse, l’être humain pourra se réaligner intérieurement et devenir un être libre, c’est-à-dire maître de son destin. Toute la difficulté est de concilier cela avec des contraintes professionnelles où le destin est guidé par une équipe de direction, des contraintes économiques…
Cela signifie que les équipes de management devront apprendre à être à l’écoute des aspirations profondes de leurs collaborateurs. Les managers de demain devront donc aussi faire ce travail intérieur afin d’être capables d’appréhender les aspirations de leurs équipes et tenter d’y répondre.
Cette quête de sens se généralise à une vitesse phénoménale, notamment chez les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail. De plus en plus d’entre eux témoignent de leur besoin de reprendre leur destin en main. Ce sont des signaux forts qui montrent qu’un bouleversement est en cours. Il faut se montrer extrêmement sensible car ces signaux peuvent s’amplifier très rapidement.
(1) Biodiversité : Diversité des espèces vivantes (micro-organismes, végétaux, animaux) présentes dans un milieu.
(2) Paradigme : manière de voir les choses, vision du monde selon un courant de pensée.
(3) Modèle circulaire : modèle écologique et durable.