Co-fondateur du FRICC, Front Républicain d’Intervention Contre la Corruption, Éric Darques a fait de l’éthique en politique son cheval de bataille avec pour point central, la lutte contre le détournement de l’argent public. En 2002, éric Darques fait partie des co-fondateurs d’Anticor, une association anti-corruption dont le but est de mener des actions en vue de réhabiliter la démocratie représentative, de promouvoir l’éthique en politique et de lutter contre la corruption et la fraude fiscale.
Pourquoi mettez-vous une telle énergie dans la lutte contre la corruption ?
La corruption en France représente 2 à 3 % de son PIB, soit 44 à 66 milliards d’euros. Je parle de corruption des élus mais également de grandes entreprises entre elles. Quant à la fraude fiscale, elle est estimée à 80 à 100 milliards d’euros. Ces chiffres suffisent à me faire dire que la France ne cherche pas à lutter contre ces fléaux alors qu’ils sont une véritable injustice au sein de la population.
Je ne l’accepte tout simplement pas. Au coeur de tout cela, nous sommes confrontés à un grave problème d’éthique au sein de la classe politique mais aussi des entreprises.
L’éthique semble pourtant être un sujet de plus en plus présent dans les entreprises ?
Il est vrai que presque tous les grands groupes ont désormais des responsables éthique, des services éthique autour desquels ils communiquent beaucoup.
Après le « green washing », on assiste à un véritable « corruption washing ».
J’ai souvent l’impression que ces nouveaux postes au sein des organisations servent plus à savoir ce qu’il se dit au sein de l’entreprise et à maîtriser l’information, qu’à garantir l’éthique. Le simple fait qu’un responsable éthique soit salarié de l’entreprise amène forcément un biais : il va toujours avoir tendance à protéger son entreprise pour protéger son emploi. Il faut que ces garants de l’éthique soient payés par l’entreprise mais qu’ils soient indépendants pour pouvoir assurer leur mission sans la crainte de subir des pressions ou de nuire à leur situation personnelle en mettant en cause l’entreprise qui les rémunère.
On pourrait imaginer que les entreprises cotisent auprès d’une instance étatique qui se chargerait de rémunérer ces personnes. Cela leur garantirait une plus grande liberté d’action.
De plus, même si la loi a évolué, la protection du lanceur d’alerte au sein des grands groupes et plus globalement en France reste insuffisante et freine la lutte contre la corruption.
Les personnes qui osent dénoncer devraient être plus protégées par l’État. Ce serait un grand pas en avant pour insuffler plus d’éthique dans notre pays et dans nos entreprises.
Comment pensez-vous que nous pouvons permettre à l’éthique de gagner du terrain que ce soit en politique ou dans le secteur privé ?
À court terme, il n’y a malheureusement qu’en frappant fort et en faisant peur que nous y arrivons. Il n’y a que la dissuasion qui fonctionne. Il ne faut rien lâcher et montrer qu’on est prêt à aller jusqu’au bout pour faire primer l’éthique.
À plus long terme, il faut que nous arrivions à recréer de la proximité : de la proximité entre les politiques et les citoyens, tout comme entre les dirigeants et les salariés.
Si un chef d’entreprise veut savoir ce qu’il se passe dans son entreprise, il faut que n’importe quel salarié puisse venir lui parler librement. C’est tout un climat de confiance à instaurer au sein d’une organisation. Il faut également prouver par l’exemple : la direction doit avoir un comportement exemplaire pour que celui-ci se diffuse au sein de l’entreprise.
Un dirigeant doit incarner des valeurs de courage, de travail, de transparence et les gens se mobilisent autour de lui pour ces valeurs qu’il incarne.
Et encore une fois, le même parallèle peut être fait entre l’élu et le citoyen. Un élu doit être exemplaire d’autant plus que lui ne doit pas oublier que ce n’est pas lui le patron mais celui qui l’a élu. Il est au service de la population et pas l’inverse.